Certaines rues d’Ain touta sont devenues de véritables bazars, au sens propre et figuré. Les commerçants ne se contentent pas d’exhiber leurs marchandises devant leurs magasins, mais s’accaparent carrément des trottoirs, poussant les piétons à emprunter la chaussée ; alors les automobilistes se donnent du mal pour se frayer un chemin.

La rue Tadjnanet est de loin, la plus mouvementée de toutes les rues d’Ain touta, tant et si bien que cela est devenu un phénomène méritant d’être noté. De la journée, la rue ne désemplit qu’aux environs de midi où tout le monde rentre pour manger, ou pendant que le soleil est au zénith dardant ses rayons assommant. Des masses humaines mixtes, des deux sexes et de tout âge, n’ont de cesse de l’arpenter, faisant un va-et-vient incessant ; des ruelles perpendiculaires la desservent et y déversent des vagues de corps humains. Les heures de pointe où le mouvement atteint son apogée sont entre 15 h 00 et 17 h 00, à la fin de travail, ou bien les premières petites heures de la matinée ; les journées précédant ou suivant les fêtes religieuses, la rue se congestionne.

C’est vrai que la rue est commerciale, bordée de magasins et échoppes vendant toutes sortes de produits chinois bon marché, mais cela n’explique pas le phénomène de l’affluence quotidienne extraordinaire d’autant de gens ; l’explication, il faut la chercher dans les composantes de la foule. Si l’on observe de près cette dernière, on trouve qu’elle se compose particulièrement, d’un côté, de jeunes filles, accompagnées ou non par leurs mamans, bien habillées et maquillées, sous leurs meilleurs jours ; et de l’autre, de jeunes garçons frimant dans leurs jolis fringues ou jouant aux m’as-tu-vu dans des voitures haute gamme,  diffusant de forte music suggestive. Cela veut dire que ceux-ci et ceux-là ne sont pas tous là pour acheter, mais pour différentes raisons : pour les garçons c’est principalement pour draguer ; pour les filles c’est pour se montrer dans l’espoir de tomber sur un partenaire ; pour les autres ou c’est pour faire du lèche-vitrines, ou tout simplement pour s’amuser en se déambulant au milieu de ces couleurs voyantes et de ces corps en mouvement. Dans l’esprit de tous, une même idée commune trotte : « On aime tout ce qui est vivant, Tadjnanet est vivante, donc on aime Tadjnanet ».

___S.B

* La rue tire son appellation du grand marché de bric-à-brac de la ville de Tadjnanet, située 30 km à l’est d’El-Eulma, où les Toutis faisaient auparavant leurs marchés à bas prix.